Un grognement plaintif sort de mes lèvres à l’instant même ou mon réveil sonne. Ma main s’abat furieusement sur ma table de chevet, essayant d’éteindre l’engin maléfique avant de me retourner aussi vite. Il a fallu que j’oublie de le désactiver, comme à chacune de mes nuits de repos. Je soupirais longuement dans mon oreiller, me laissant happer par la délicieuse odeur qui y réside encore. Celle de Neven. Mélangée à la mienne. Il en reste encore un peu, assez pour que je m’en délecte alors que ma prise se resserre sur lui. Pas trop, si je veux avoir l’espoir de me lever tranquillement, sans avoir toutes les peines du monde à cacher l’énorme trique qui pousse déjà mon boxer. Ca fait déjà deux jours qu’il est là. Deux jours qu’il dort chez moi, sur mon canapé, comme la toute première nuit, celle de sa transformation. Et deux jours depuis notre dispute. Depuis ses questions horriblement trop curieuses pour moi à propos de mon passé. Je soupire encore. Je m’en veux. Et pas à cause du gros trou qu’il y a maintenant dans le mur du salon à cause de mon poing, mais bel et bien pour n’avoir pas su contrôler ma colère à ce moment là. Parler d’elle m’était toujours douloureux. Même après plus de cinq cent ans. A croire que c’était hier qu’elle était partie. Et moi, j’en était toujours au même stade. Ma douleur pulsait dans mon âme à chaque fois que je pensais à elle.

J’ouvrais enfin les yeux pour de bon. L’odeur de Nev apaisait mes sens et m’excitait horriblement en même temps. C’était une douce torture. Une torture appréciable. Je délaissais mon oreiller pour me relever, m’asseyant sur le bord de mon lit, frottant mes yeux. Il était tôt, du coup, mais je savais que je serais incapable de me rendormir pour profiter ma seule nuit de repos. Comme d’habitude. Alors à la place, autant s’activer. Mes mains prirent appui sur mes genoux pour me donner l’impulsion nécessaire à mon mouvement. J’enfilais rapidement un jogging en tentant de remettre mon érection en place pour qu’elle ne se voit pas trop, puis je passais la porte, essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller mon nouveau colocataire.

Mon regard s’encra à lui alors que je m’appliquais à fermer doucement la poignée derrière moi. Un fin sourire se traça sur mon visage. Il avait la tête plongée dans son oreiller, avec seulement ses cheveux en bataille qui dépassaient. La couverture qui le recouvrait avait glissé, si bien qu’elle ne couvrait plus grand chose mais donnait une vue parfaite sur son postérieur enfermé dans un boxer noir. Je ne pouvais m’empêcher d’apprécier la vue en charriant ma lipe de mes dents. Il me faisait toujours autant d’effet, ça, ça n’avait pas changé. Je traversais le salon en douceur, me glissant jusqu’à la cuisine où j’ouvrais les placards dans un geste automatique pour préparer le café. Quelque chose que j’avais décidé de faire après la tentative désastreuse de Nev. J’avais failli en vomir tellement c’était infect. Alors j’avais pris le pli, m’appliquant dans ma tâche. J’avais même acheté deux sortes de café pour qu’il puisse choisir son préféré et j’avais constater avec contentement que nous avions les mêmes goût. Au moins pour ça.

Notre cohabitation se faisait lentement. Nous apprenions à nous connaitre. Neven était très taquin et souvent de mauvaise fois, mais je le lui rendais bien, à coup de regards faussement outré et de petites piques dès que j’en avais l’occasion. Il détestait son surnom de « petit vampire » au moins autant que je détestais qu’il soit bruyant comme un troupeau d’éléphant. Nous nous cherchions gentiment et je l’avais remercié à ma manière de ne plus avoir évoquer de sujet trop sensible. Je le savais très curieux, de tout, mais il avait ses moments, comme moi j’avais les miens. Je ne lui posais pas de questions, même si elles me brûlaient chaque jour un peu plus les lèvres. Je voulais apprendre à le connaitre mais que cela vienne de lui. Je ne voulais pas le brusquer ou risquer de le faire fuir. Alors, je prenais mon mal en patience. Et il m’en fallait avec un gars comme lui.

L’odeur du café vint chatouiller agréablement mes narines. Je n’allais sans doute pas tarder à entendre un grognement plaintif sortir du canapé. Il était toujours ultra sensible à chacun de ses sens et l’odeur du liquide chaud que je versais dans deux tasses avait visiblement le pouvoir de le réveiller en douceur. Enfin, au moins un peu moins grognon. Une fois servi, j’emportais les deux tasses avec moi jusqu’au salon, en déposant une au niveau de sa tête sur la table basse puis aller m’asseoir à ses pieds, sur le petit espace qu’il restait juste pour que mes fesses puissent y prendre appui. Je déposais la mienne à mon tour, laissant ma main s’emparer de mon paquet de tiges pour en allumer une. La première de la longue série de cette nuit. Une nouvelle fois, mes iris se posèrent sur lui, attendant patiemment qu’il se réveille à son tour en me retenant de glisser ma main libre dans ses cheveux ébouriffés. A la place, je laissais poindre un nouveau sourire sur mon visage, quittant sa vue pour la tasse devant moi. Cette nuit, j’avais envie de profiter de mon congé pour l’emmener quelque part. Il était temps que le petit vampire commence à prendre conscience de ses nouvelles capacités. Et j’avais ma petite idée là-dessus. Mais avant ça, bien sûr, il fallait qu’il se réveille.

L’odeur caféinée me saisit avant la présence froide d’Az à mes côtés. Mon nez frémit avec ravissement, alors qu’à l’inverse, mon esprit endormi proteste désespérément. Il est cruel de constater que, depuis ma nouvelle vie, la saveur du café est devenue bien plus merveilleuse, mais qu’elle annonce aussi l’heure à laquelle il faut se réveiller. Ou plutôt, l’heure à laquelle Azenor a décrété qu’il faut se réveiller. Quelle merde.

Un grognement protestataire vibre dans mon torse. Mes bras se resserrent sur l’oreiller alors que je tente d’y dissimuler mon visage. Je prie pour me rendormir, moi qui étais tellement habitué à faire des nuits de quinze heures. Mais je sais que c’est désormais impossible. Impossible parce que je sens très clairement les yeux du vampire courir patiemment sur mon corps. Et avec ça, il n’est pas sérieusement envisageable de vouloir retourner dans les bras de Morphée. La présence d’Azenor est encore plus perturbante que toutes ces petites choses parasites qui dérangent désormais la quiétude de mon sommeil. Depuis que mon ouïe est devenue si sensible, j’ai un mal fou à m’endormir. Entre le vacarme diurne des rues, le bruit de la chaudière, et même le tapotement sourd contre le sol de la canne de la vieille qui vit à côté … J’ai le temps de me retourner encore et encore, sur ce satané canapé. Mais ce n’est rien, rien, comparé à ce fourmillement émoussé qui chatouille ma peau lorsqu’Az traîne son regard sur moi.

Et je déteste qu’on me regarde dormir. C’est hyper malsain.

L’appel subtil et persévérant de la caféine finit néanmoins par m’avoir à l’usure. Je grommelle, avant de relâcher l’oreiller pour de bon, vaincu. Je me redresse sur le canapé et passe une main maladroite sur mes paupières lourdes. Mes doigts glissent ensuite dans mes cheveux ébouriffés, avant qu’enfin je n’ouvre un œil sur le faciès serein et amusé de mon nouveau colocataire. Putain. J’ai vraiment la tête dans le cul.

- Sérieux Az … Il est beaucoup trop tôt.

Je plisse les yeux pour lui renvoyer un regard mécontent. Pourtant la nuit est déjà levée. Son obscurité voluptueuse se déploie à travers la fenêtre du salon. Je replie mes jambes, chassant pour de bon la couverture, pour m’asseoir en tailleur face à lui. Mon bras se lève. Je lui dérobe sa cigarette. Celle-ci vient trouver sa place entre mes lèvres alors que je savoure cette première dose de tabac parcourant mon être. Un long moment s’écoule avant que je ne relâche la fumée prisonnière. Ma main libre vole un peu au hasard du côté de la table basse. La tasse fumante m’attend. Sa chaleur piquante s’insinue sous la peau glacée de ma poigne. Je tire une deuxième latte avant que, d’un soupir, mon front ne vienne tomber contre son épaule dénudée. Mes yeux se referment, encore empreints de sommeil.

- Si tu savais comme j’te déteste, gémis-je tout bas, en guise de bonjour.

Et voilà, il suffisait que je le pense pour que le petit vampire se réveille sous mon regard qui le couve. Il est adorable. Vraiment adorable lorsqu’il est comme ça. Son regard meurtrier endormi arque mon sourire sur mes lèvres. Ce qu’il peut être grognon au réveil. Sa réflexion m’amuse, alors même que je tire sur ma cigarette avant qu’il ne me la vole du bout des doigts. Je le laisse faire, l’observe prendre une première bouffée de nicotine avant que sa main n’échoue maladroitement sur sa tasse de café sur la table, juste à l’endroit où je l’ai déposée quelques minutes auparavant. La mienne part à nouveau à la rencontre de mon paquet pour une nouvelle cigarette, n’ayant pas le coeur à lui reprendre la première. J’ai à peine le temps de l’allumer que son front heurte doucement mon épaule. Une fois de plus, je souris, amusé par ses mots. Il est décidément beaucoup trop craquant.

« Je sais. »

Je me laisse guider par l’envie furieuse qui gronde dans mon ventre. Celle qui réclame ses lèvres, celle qui lui vole un chaste baiser alors que ma main se glisse dans son cou. Mes lèvres frôlent presque les siennes, les caressant avec douceur avant de le laisser retomber sur mon épaule. Mon envie assouvie, je tente d’ignorer d’où est-ce qu’elle est apparue pour glisse mon attention sur ma tasse que je reprends en main, appréciant sa chaleur furtive alors que j’avale une gorgée du liquide brûlant.

« Quand tu seras un peu plus réveillé, ça te dirait qu’on aille prendre l’air ? »

C’était un peu maladroit, mais je ne savais pas trop comment aborder la question. Et puis, avec son humeur, il valait mieux une question plutôt qu’un ordre. Dans ma lancée, je me rappelait du besoin de sang dont il allait également falloir se nourrir. Il valait mieux se débarrasser de ça maintenant, il allait avoir besoin de toutes ses capacités cette nuit et il était hors de question qu’il fasse son difficile en rechignant d’avaler sa dose, comme il l’avait fait ses deux derniers jours. Je quittais son contact glacé pour me lever et laisser mes pas rencontrer le carrelage de la cuisine, allant chercher notre repas dans la cuisine, attrapant des pailles au passage. Chargé de mes biens, je revenais m’asseoir à ma place, déposant les poches en face de moi. Et non, il n’y échapperait pas, même si il détestait ça. Avant même de voir sa réaction, j’affichais mon sourire éclatant sur mon visage.

« Avale ça quand tu auras fini ton café, sinon tu risques de me détester encore plus. »

Je m’en veux presque de m’être fait avoir, lorsque mon sang bondit vivement dans mes veines et que ses lèvres glissent sur les miennes comme de la soie. Une vague engourdie me chatouille l’épiderme là où son dernier contact s’est éteint. L’emprise d’Az me libère aussi vite qu’elle m’a encerclé, et comme à chaque fois, je m’agace d’en ressortir aussi retourné. Je maugrée en retrouvant son épaule, dents serrées. Bien sûr, c’est beaucoup plus facile de prendre quelqu’un en traître au saut du lit.

Sa question s’offre malgré tout comme une échappatoire inattendue, qui me permet d’oublier cette chaleur nouvelle et dérangeante sur le haut de mes joues. Sortir prendre l’air ? Je cligne des yeux et me redresse. Ma main occupée à tenir la cigarette repasse précautionneusement sur mon visage, veillant à ne pas me brûler. Je me demande un instant si je n’ai pas rêvé les mots qu’il a prononcé. Sortir prendre l’air. Il m’a réveillé, pour sortir prendre l’air. Mon dos part s’appuyer contre le dossier du canapé. Je l’étudie, sourcils froncés, tandis que ma première gorgée de café se répand avec soulagement sur mes papilles endormies.

- T’as besoin de moi pour t’aider à porter les courses ?

L’ironie perce à travers mes lèvres renfrognées. Az est déjà en train de s’éloigner. Mes yeux courent sur ses bras nus. Il y a quelque chose de fascinant à regarder ses muscles se dessiner sous sa peau d’ivoire, à chacun de ses mouvements. Sa voix revient chatouiller mon oreille, alors que je commence plus ou moins à émerger de ma léthargie morose. Lorsqu’il revient dans le salon et que le sens de ses propos trouve son chemin dans mon esprit, j’ai déjà englouti la moitié de ma tasse. Ma réaction ne se fait pas attendre, si bien que je manque d’en renverser alors que j’arrête subitement de boire. Je m’humidifie les lèvres comme si de rien n’était et repose stratégiquement le mug presque achevé sur la table basse. Après tout, il a dit ‘quand tu auras fini ton café’ … Les poches de sang qu’il a fermement posé là m’arrachent malgré moi une grimace de déplaisir.

- Tu ne lâches vraiment rien, hein.

Je lui lance un coup d’œil courroucé avant de prendre le temps de m’étirer. Un bâillement significatif me décroche la mâchoire alors que je me laisse de nouveau tomber au creux de mon siège. Mes doigts attrapent un pan de la couverture qui traîne par terre, pour mieux la tirer et l’enrouler autour de mes épaules. L’ombre d’un sourire narquois fait frémir mes lèvres.

- Te détester encore plus … Qu’est-ce que tu vas bien pouvoir faire ? M’enfoncer ce truc de force au fond de la gorge ?

Un lointain pressentiment que je choisis d'ignorer picote la base de ma nuque. Tu risques de le regretter, Nev.

Le voir rougir à mon baiser provoque de délicieuses chatouilles dans mon ventre. Il a beau le cacher, je les vois quand même, ses deux joues rougies de gêne. Je l’ai bien eu, sur ce coup là. La suite elle, est d’autant plus amusante. Il a l’air dérangé par mon idée. Ses sourcils froncés sur son visage en sont la preuve. Pour finir, non seulement il se fou de ma gueule, mais en plus, il me provoque. Est-ce que l’idée de passer du temps avec moi dehors lui paraissait si invraisemblable ? Vu son air perplexe, certainement.

« Pas exactement. »

Et cette grimace qu’il affiche à la vue du sang que je ramène ne fait que confirmer ce que je pensais. Monsieur allait encore refuser de se nourrir sous mon sourire étincelant. Non, je n’allais pas lâcher l’affaire. Jamais ! Mon sourire se métamorphose sous ses yeux noirs me fusillant, amusé par ses actes. C’est lui qui l’aura voulu, après tout. Loin de me démonter par son comportement, je décide de passer au plan B. Il ne voulait pas manger ? C’est ce que nous allions voir.

« Comme tu voudras. »

Ma main récupère une des poches de sang trainant sur la table puis une paille, que je plante maladroitement dans le liquide carmin. Le sang gicle sur ma bouche avant de se glisser lentement le long de mes doigts. Oups. Je sens mes crocs apparaitre alors que ma langue vient rapidement récupérer les quelques gouttes sur mon visage, puis se glisse sensuellement sur mes doigts à la recherche de la précieuse denrée. Je soupire, puis lève un peu la poche de sang au dessus de mon visage en ouvrant légèrement les lèvres, laissant le liquide s’abattre sur ce dernier, récupérant une partie entre mes lippes en laissant l’autre s’écouler le long de mon cou, ignorant la sensation grisante qu’elle provoque en sentant sa descente de plus en plus périlleuse jusqu’à mon torse. Mes yeux se ferment sous le plaisir que me procure la vague dégoulinante dans ma gorge, puis se rouvrent, brillants de mon envie assouvie en heurtant le regard de mon petit vampire. Et maintenant ? Allait-il toujours rechigner à avaler sa mixture ?

Si y’a bien un truc que je dois reconnaître à ce mec, c’est bien sa patience et son entêtement à ne jamais baisser les bras. A l’inverse, le problème avec le genre de connard que je suis, c’est que plus on insiste et plus je freine des quatre fers. Rien que pour le principe. Et là où Azenor est un homme plein de ressources, c’est sa capacité hors norme à contourner ce sale trait de caractère qui, autrement, lui aurait certainement pourri la vie.

Je manque franchement de m’étouffer lorsque je le vois faire son manège sournois. Ma respiration s’emmêle douloureusement dans ma trachée, alors que, d’emblée, la vision du sang glissant lentement le long de sa gorge blanche me refile une putain d’érection. Mes doigts se crispent sur les pans de la couverture. Le spectacle me renverse complètement, mais je suis tout bonnement incapable d’en détourner les yeux. Je ne sais pas exactement ce qui est le plus attrayant, les effluves de ce rouge pourpre tranchant sur sa peau pâle, le mal provocant qu’il se donne pour me donner tort, ou juste lui, son corps et la faim de lui qu’il déclenche jusqu’au bout de mes dents.

Un rire, bref et nerveux, secoue ma poitrine. Ma clope vole sur la table basse. Je ne résiste finalement pas à l’envie de me pencher vers lui, plongeant dans l’intensité de ses prunelles dilatées par l’excitation et la faim. Je ne peux décemment pas lutter. Et, contre toute attente, je me réjouis à l’idée de capituler face à ce genre de manœuvre.

Le vampire feule à l’intérieur de moi. Mes canines glissent entre mes lèvres alors que ma langue vient humifier les pourtours de ma bouche rendue sèche. Je le dévore des yeux, me laissant gagner par ce plaisir malsain et indécent de le voir s’enduire de sang. Un semblant de sourire carnassier vient finalement dévoiler mes dents.

- C’est vrai que, vu comme ça, c'est plus appétissant …

Ma voix est plus basse que d’ordinaire. Au fil des jours, je me suis rendu compte qu’il s’agit de l’un des effets du réveil de cette faim bestiale. La couverture glisse dans mon dos sans que je ne me souvienne m’en être débarrassé. Mes doigts se referment délicatement sur son poignet tenant la poche éventrée. Je l’écarte de son visage. Mon autre main file jusqu’à sa mâchoire, trouvant son appui contre sa nuque. Je lui fais relever la tête sans quémander son avis. Alors je me redresse sur les genoux, mon corps s’incline vers lui, et je le repousse à demi coucher contre l’accoudoir.

Ma langue remonte le sillon de sang frais le long de sa jugulaire tandis que je me presse, ardent, contre lui. Mes doigts courent sur sa clavicule. Je continuerais bien cette découverte alléchante, mais une autre piste m’appelle, bien plus vorace encore. Mon odorat me pousse à remonter mes lèvres jusqu’à sa joue. Je croise son regard, sentant clairement l’animal dans mon ventre se lécher les crocs.

- Tu en as oublié … Juste là …

Mon souffle meurt sur sa bouche, chargé de convoitise. Mais c’est bien sur le haut de sa pommette, juste sous sa tempe, que mes lèvres se posent. La trace rouge disparaît sur le passage de ma langue gourmande.

Et puis, alors, ma prise sur son poignet change. Je la laisse remonter jusqu’à sa main et lui dérober l’objet poisseux et presque vide qui s’y trouve. Je me défais d’Azenor dans un coup de vent, me redressant habilement pour l’abandonner couché en travers du canapé. Mes reins retournent se caler contre l’autre accoudoir. Je replie mes jambes devant moi, cherchant tout de même à dissimuler l’érection que je m’applique à ignorer. Mes dents se referment sur la paille, alors qu’un sourire torve s’insinue sans que je ne puisse le retenir sur ma figure. Satisfait, je me mets à suçoter sagement ma poche de sang. Comme il le voulait.

- Et alors ... ? On va où du coup ?

Je retiens mon sourire en voyant tout l’effet que mon manège à sur lui. Je me délecte de voir que je lui donne envie et pas que du sang, j’en mettrais ma main à couper. Mon plan B fonctionne à merveille. Peut-être un peu trop bien. Mon regard ne peut s’empêcher de suivre le mouvement de sa langue sur ses lèvres. J’aime beaucoup ce regard dévorant qu’il me lance, juste avant d’ouvrir sa belle bouche que je rêve à présent de martyriser de la mienne. Sa voix me colle un frisson remontant le long de mon dos alors même que je le laisse éloigner la poche de sang de mon visage. Je me retrouve à la merci de sa main dans ma nuque sans même m’en rendre vraiment compte. Mon dos heurte l’accoudoir, toute mon attention se porte sur sa langue que je sens parcourir mon cou. Ma respiration s’accélère, ardente tandis que ma main échoue sur son épaule. L’érection que j’avais réussi à faire partir à aussitôt fait sa réapparition. Putain Neven... Mon souffle se bloque lorsque mon regard échoue dans le sien. Evidemment, il ne m’offre aucun répit, aucun baiser, juste l’effleurement de sa bouche récupérant le liquide sur ma pommette.

Puis, tout s’arrête. Sa main récupère la poche que je maintiens toujours fermement dans la mienne avant qu’il ne se relève, se rasseyant comme si de rien était en me laissant ainsi, à moitié allongé sur le canapé, l’érection bien visible entre mes jambes. J’intercepte son sourire qui provoque le mien, me faisant reprendre mes esprits comme je le peux. J’ai gagné. Il mange. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour le faire obéir bon sang...

Un grognement sort de ma bouche à présent sèche tandis que je me reprends en me redressant, l’imitant en m’asseyant à nouveau, ignorant royalement le tissu de mon jogging tendu à l’extrême entre mes jambes. Je récupère ma cigarette lâchement abandonnée, puis mon café, comme si rien ne c’était passé.

« Tu verras. C’est une surprise. »

Mon sourire se mue en mystère. Je n’allais pas tout lui apporter sur un plateau non plus. Surtout après ce qu’il venait de m’obliger à faire. Mes crocs ont disparus de ma bouche, il n’y a plus que le goût du sang écrasé par celui du café et de la cigarette qui habitent celle-ci. Il faudrait que je prenne une douche, pour faire disparaitre l’effet poisseux que je sens sur mon torse. A croire qu’il n’a pas bien fait son job, qu’il ne m’a pas léché correctement. Mon sourire s’allonge rien qu’à cette pensée.

« T’en fait pas, ça va te plaire. On décolle dans quinze minutes. »

Mes lèvres tirèrent longuement sur mon mégot avant que je ne finisse mon café, l’emportant avec moi en me levant, direction la cuisine. Je la déposais dans l’évier, entre ouvrant la fenêtre au passage pour aérer un peu, abandonnant mon mégot dans le cendrier en soufflant ma fumée vers l’extérieur. Puis, je me glissais dans la salle de bain. Il fallait que je prenne une douche froide. Et que je fasse disparaitre cette érection gênante qui refusait de s’en aller. Il finirait par me rendre fou, j’en était à présent persuadé.

Je ne le lâche pas du regard lorsqu’il se relève d’un geste fluide. Son bâton de nicotine retrouve le recoin de ses lèvres, comme si l’instant précédent n’avait pas été particulièrement intense. Je ne me défais pas de mon sourire et de ma petite satisfaction sournoise. Az a obtenu ce qu’il voulait, mais d’un autre côté je ne doute pas une seconde des effets collatéraux qu’il a récolté. La forme de son pantalon au niveau de son bas-ventre ne ment pas.

Ses indications restent floues, comme souvent. Je me renfrogne en terminant de vider la poche de sang. La dernière fois que j’ai essayé d’insister pour obtenir des précisions … Mon regard dévie vers le trou encore apparent dans le mur du salon, tandis que le vampire s’éloigne en direction de la salle de bain. Je ne suis pas certain que la « surprise » en question soit un sujet aussi sensible que celui abordé la dernière fois. Pas au point de le pousser à démolir son appartement en tout cas. Mais peu importe. Pour quinze minutes, se fatiguer à lui arracher les vers du nez, ça n’en vaut pas vraiment la peine.

- Que tu penses que ça devrait me plaire, pour le coup ça commence à m’inquiéter …

Malgré tout, le mystère a piqué ma curiosité. Suffisamment pour que je ne tarde pas à me lever. Ma cigarette est éteinte sur la table basse lorsque je la récupère. Je la rallume rapidement, avant d’emporter la poche de sang vide à la cuisine pour la mettre aux ordures. Le son étouffé de la douche berce mon oreille. Je rejoins mon sac à dos balancé dans un coin de la pièce pour en tirer de quoi m’habiller. Je me suis décidé à rentrer chez moi, au court de ces deux derniers jours, pour récupérer quelques affaires. L’idée de rester seul dans mon studio morne n’a même pas germé dans mon esprit. Il fallait que je revienne ici. C’était implicite. Même Az n’a pas pris la peine d’en faire la remarque. La promesse qu’il a proféré la nuit de ma renaissance s’est silencieusement refermée autour de nous. Comme un étau impérissable.

Je me dépêche de boutonner mon jeans et me retrouve bien vite à trépigner devant la porte de la salle de bain. L’eau s’est arrêtée depuis un petit moment. Mais le vampire met bien trop longtemps à mon goût à sortir de là. Qu’est-ce qu’il fou ? Lorsqu’enfin la porte s’ouvre, l’air glacial de la pièce m’enrobe comme une douce étreinte. Je me glisse entre Az et l’encadrement de la porte pour pénétrer à l’intérieur.

- Donne-moi juste le temps de me brosser les dents ! Je déteste garder ce goût sur la langue.

Je fronce le nez pour appuyer mes propos, cherchant déjà ma brosse à dent dans le meuble du lavabo. D’ici quelques minutes, je serai totalement prêt. Et étrangement, j’ai hâte de découvrir ce que signifie « prendre l’air » avec un vampire de plus de cinq cents ballais.

L’eau ruisselle sur mon corps de longues minutes après que j’ai enfin fait disparaitre toute trace de mon désir pour mon chat sauvage. Enfin, le fil de mes pensées pouvait s’attarder sur autre chose et en l’occurence, j’étais impatient d’entamer la soirée. De lui montrer enfin une nouvelle facette de sa condition. Car être un vampire ne se résumait pas à fuir le soleil de la journée et boire du sang pour survivre. Il fallait qu’il apprenne à se canaliser et contrôler ses nouveaux pouvoirs. Le plus tôt était le mieux. Et pour se faire, rien ne valait la chasse. L’instinct animal à l’état pur.

Enfin, je quittais la douche pour m’essuyer rapidement. Pas de temps à perdre. Je séchais mes cheveux à la vas vite, appliquait du déodorant, brossait mes dents et enfin, j’enclenchais la poignée de la porte pour sortir. J’eu à peine le temps de la passer que Neven se glissa à l’intérieur sous mon regard à la fois excédé et amusé. Je levais les yeux au ciel en gardant mon sourire, laissant mes pas me guider jusqu’à ma chambre. J’enfilais un jeans, un t-shirt et mes chaussures, me retrouvant en un rien de temps devant la porte pour l’attendre après avoir pris mes clés, mes papiers et mon téléphone. Mon regard se glissa jusqu'au sac de Neven trainant dans un coin. Et si... Et si je trouvais quelque chose pour l'aider à se motiver, au cas où Monsieur voudrait encore faire de la résistance ? M'assurant qu'il ne sortirait pas de suite, j'agissais vite, plongeant ma main dans son sac à la recherche de l'une de ses chaines qu'il portait toujours au cou, un détail qui ne m'avait pas échappé. Mes doigts se refermèrent sur une médaille que je sortais précautionneusement du sac. Parfait ! Je glissa ma trouvaille dans ma poche arrière, me redressant rapidement juste au moment où il ressortait enfin de la salle de bain. Nous étions prêts à partir. D’un sourire, je l’invitais pas à passer la porte en premier pour la verrouiller derrière moi ensuite.

Neven sur les talons, je descendais les étages jusqu’à aboutir sur la rue, direction mon garage où hibernait ma voiture depuis déjà un moment. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas sorti de mon habituel rythme de vie. Beaucoup trop longtemps que je n’avais plus chassé. Et là, à cet instant, j’en brûlais d’impatience. Je pris le volant de ma voiture de luxe avec un fin sourire aux lèvres. Ca aussi, ça m’avait manqué. Conduire cette petite merveille, achetée en l’honneur du temps où j’étais riche comme Crésus. C’était le seul souvenir que je m’étais permis, relique d’une de mes anciennes vies. Celle où j’étais fou des jeux d’argent. Encore une période de ma vie qui me paraissait à la fois être hier et le siècle dernier. Dans tous les cas, j’adorais cette voiture et elle s’avérait parfaite pour nous conduire là où je le désirais.

Le moteur ronronna alors que nous nous mettions en route. En un rien de temps, nous étions déjà sorti de la ville, frôlant des paysages bien différent de ce qu’elle regorgeait. Bientôt, nous nous retrouvâmes en pleine forêt, encerclés par une multitude d’arbres semblant nous protéger du monde extérieur. Des hectares de bois dense nous entouraient, de plus en plus sombres, de plus en plus éloigner de notre chère citée. Et puis, je coupais enfin le moteur sans prévenir, lorsque j’étais sûr que nous étions très loin de toutes formes de civilisation. Je serrais le frein à main en adressant un nouveau sourire à mon petit vampire.

« Voilà, nous sommes arrivés ! »

J’enlevais ma ceinture avant de rapidement sortir de mon bolide, retrouvant l’air frais de la nuit en laissant un frisson agréable me traverser. Mon regard s’égara sur les arbres aux alentours tandis que j’écoutais avec attention les bruits propre à la vie qui y régnait en maitre. Ca m’avait manqué. Beaucoup trop manqué. J’attendais que Neven sorte à son tour en m’allumant une cigarette, faisant quelques pas devant la voiture en laissant mon corps se mouvoir en accord avec mon excitation, le sourire jusqu’aux oreilles.

« Ici, nous sommes au meilleur endroit pour que je te fasse découvrir l’une de mes passions favorite : la chasse ! »

Mon regard intercepta le sien à la fin de ma phrase, reprenant une acre bouffée de tabac avant de poursuivre.

« Je t’avais promis que je t’apprendrais tout de tes nouveaux pouvoirs et de ta nouvelle condition. Il est grand temps que tu commences à maitriser tes capacités vampiriques. Et pour cela, rien ne vaut une bonne partie de chasse. »

Je fis une pause, amusé en m’approchant doucement de lui sans le lâcher du regard.

« Mais avant ça, il faut que tu apprennes à courir. A te déplacer à la hauteur de ce que tu es, que tu lâches la bête qui gronde en toi et que tu apprennes à la contrôler. Et tu verras, tu y prendras goût très vite. »

Un léger rire sorti de ma gorge à la fin de ma phrase. A nouveau, je tirais sur ma cigarette, puis me glissait derrière lui, plantant mes mains sur ses épaules en penchant mes lèvres jusqu’à son oreille pour lui murmurer mes mots.

« Ferme les yeux Neven. Ecoute ce qui t’entoure. Tu fais partie intégrante de cette forêt. Laisse la te remplir et te posséder entièrement. Le moindre bruit, le moindre animal, le moindre ruisseau... Ecoute... Ressens la, au plus profond de ton être, elle fait partie de toi. Libère la bête grondante qui ne demande qu'à sortir de ton ventre. »

Je le laissais s’exécuter, suivre mes ordres une fois n’est pas coutume. Mes mains quittèrent ses épaules alors que je m’éloignais à nouveau. Il était temps de s’amuser un peu.

« Nous allons jouer à un jeu. Très simple. Attrape moi, si tu le peux ! »

Mon sourire devient carnassier, ma cigarette se décrocha de mes lèvres pour échouer sur le sol en une fraction de seconde, la même qui me permis de m’éclipser en m’enfonçant dans la forêt. Aller Neven, montre moi ce dont tu es capable.

Une pointe d’hésitation me fait froncer les sourcils lorsque nous arrivons dans le garage. J’étais déjà surpris de voir Az prendre le chemin du sous-sol. L’idée qu’il ait une voiture ne m’a jamais vraiment traversé l’esprit, puisqu’il a visiblement l’habitude de tout faire à pieds. Quand on a des jambes aussi rapides que les siennes après tout … Mais le plus surprenant reste encore le véhicule de collection vers lequel ses pas ont naturellement pris la direction. Je m’arrête devant le bolide, sceptique, avant de lui jeter un coup d’œil suspicieux.

- Tu te fiches de moi.

Les doigts du vampire jouent avec les clés de la voiture. Je le vois déverrouiller la portière et entrer à l’intérieur comme si tout était absolument normal. Je plisse les yeux, un air d’incompréhension en travers du visage. Cette caisse doit valoir une putain de fortune. Le voyant s’installer pour de vrai derrière le volant, je finis par le rejoindre dans l’habitacle. La discrète odeur du cuir de qualité sur les sièges me saute au nez. J’essaye d’ignorer le fait que tout ce que je suis en train de toucher, à l’intérieur de ce tas de ferraille, coûte probablement plus cher que mes deux reins.

- Tu as une Ferrari planquée dans ton garage, et tu vis dans un deux pièces. Y’a pas quelque chose qui cloche chez toi ?

Le sourire satisfait que je devine sur ses lèvres me fait comprendre que je n’en saurai pas plus sur cette affaire. Je roule des yeux, exaspéré, et m’enfonce résolument contre le dossier de mon siège. Le rugissement du moteur qui s’éveille, aussitôt suivi de son ronronnement à la fois doux et puissant, me hérisse néanmoins l’échine toute entière. Je suis persuadé que je pleurerais rien qu’en voyant le prix de ce bijou.


Mon nez se colle presque contre la vitre lorsque les arbres encerclent brusquement notre chemin comme une trombe d’eau. Mes yeux se perdent entre les dizaines de troncs qui défilent à toute vitesse alors que nous nous enfonçons toujours plus loin dans l’obscurité de la forêt. Je cherche le moindre indice qui pourrait se révéler à l’horizon. Mais rien. Pas la moindre source de lumière. Pas un seul lampadaire, pas une seule fenêtre illuminée dans les ténèbres alentours. La ville s’est éteinte depuis longtemps dans notre sillage. Et devant … il n’y a rien que du noir. La situation m’intrigue bien plus que je ne veux bien le laisser paraître.

- Si tu avais envie de me coller les jetons, tu aurais pu me refaire le coup des grandes dents, avec ton pote sous antidépresseurs.

J’agite mon index et mon majeur devant mon visage pour mimer les deux crocs de mon colocataire.

- Ça, c’était vraiment flippant.

La voiture s’arrête enfin, et je ressens alors à quel point je suis à cran. Mes nerfs n’en peuvent plus d’attendre ses explications. D’autant plus qu’il n’y a rien, putain, là où nous nous sommes arrêtés. Rien du tout. Juste des arbres, des buissons touffus, et l’éclat argenté de la Lune.

Un grognement exaspéré m’échappe alors qu’Az sort du véhicule, muni de son éternelle expression mystérieuse. Ma tête part en arrière s’appuyer contre le siège. Pourquoi j’ai accepté de venir déjà ?

Je le suis presque à contre-cœur dehors, claquant la portière en soupirant. L’atmosphère des lieux me gagne en un instant. Je frémis. Il y a beaucoup d’odeurs qui se mêlent ici. Celle de l’humus tendre sous le tapis de feuille, celle du vent chargé d’humidité et d’un parfum boisé, celle des animaux sauvages, de la sève et des pommes de pin. Il y en a tant d’autres que je ne parviens pas à discerner. Tout ce joli feu d’artifice manque de me griller l’odorat.

Azenor récupère mon attention avant que je ne me laisse envahir par ce flot d’informations. Je me concentre sur sa voix, lorgnant du coin de l’œil son avancée le long du chemin de terre. Je n’arrive toujours pas à comprendre ce qu’il a décidé de faire, au cœur d’une forêt, au beau milieu de la nuit. Chasser ? Mes lèvres s’ouvrent, mais ma voix reste muette. Ses paroles continuent de s’enchainer dans le silence précieux de l’obscurité. Ses yeux ont pris un aspect tout particulier, là, sous les reflets lunaires. Je m’empêche de déglutir et retiens même de peu un gémissement surpris et mécontent lorsque ses paumes s’abattent sur mes épaules.

Le souffle de ses mots chatouille ma peau. Les images qu’il me susurre à l’oreille filent à toute vitesse dans mon esprit. A nouveau, je me sens happer par l’univers déconcertant qui m’entoure. Le bruissement des plumes d’un oiseau nocturne qui s’ébroue, le clapotement de l’eau malmenée par un rongeur qui s’hydrate, le mouvement subtile et délicat des fleurs de jour qui se referment timidement jusqu’aux premières lueurs de l’aurore. C’est déconcertant, et quelque part, désagréable. Je suis déjà en train de me demander pour combien de temps ce drôle de jeu va me tenir éloigné du canapé, lorsque la présence d’Az se volatilise en un claquement de doigts.

Je rouvre les yeux, sans me souvenir du moment où je les ai fermé. Je pivote sur mes pieds, interloqué. Seul le grésillement des insectes me répond. Il a disparu.

- Az ?

Mes jambes avancent de deux pas incertains sur le chemin battu. Je fouille les environs du regard, mais le vampire est tout bonnement devenu invisible. Merde.

- Je t’ai pas écouté. T’as dis quoi ?

Je grimace. Evidemment, cet enfoiré ne me répond pas. Je me laisse guider par les dernières effluves de son odeur dans les airs. Mes baskets quittent la terre pour fouler les feuilles mortes qui recouvrent le sol de la forêt. Mon corps se glisse entre les branchages et évite les buissons épineux avec une aisance que je ne me connaissais pas. Mais l’horripilant blond aux grandes dents ne réapparaît toujours pas. Qu’est-ce qu’il a dit bon sang ? Un jeu ? Que je dois lui courir après ?

Sa senteur disparaît au bout de quelques mètres. Je soupire, de plus en plus dépassé par la situation rocambolesque. Même si je ne le vois pas, je ne doute pas un seul instant qu’il soit en mesure de m’entendre.

- Ecoute, j’ai toujours été à chier à cache-cache. Alors … Je vais t’attendre dans la voiture, d’accord ?

Je laisse une dernière fois mon regard courir sur les taillis qui m’entourent, avant d’esquisser un geste pour rebrousser chemin. J’ai pas l’humour nécessaire pour ce genre de conneries.

Je disparais dans la forêt en un éclair, grimpant entre les arbres pour prendre un peu de hauteur, me laissant tout le loisir d’observer mon apprenti à mon aise. Mon regard ne le lâche pas alors que mon corps se met en mouvement pour le suivre à la trace. Comme s’est amusant ! Mais pas assez. Est-ce qu’il est sérieux quand il clame qu’il n’a pas écouté un traitre mot de ce que je lui ai dis ? Je n’en suis pas si sûr. Je suis déçu qu’il ne se prête pas à mon petit jeu mais en même temps, je n’en suis pas surpris. Et je me remercie d’autant plus d’avoir pensé à lui voler sa chaine dans son sac avant de partir. Je m’appuie en équilibre sur entre deux branches, plantant mon dos contre l’arbre sur lequel je me tiens alors que ma main se glisse dans ma poche arrière, récupérant le précieux bien. J’attends que mon petit vampire fasse quelques pas vers la voiture, affichant un sourire empli d’amusement avant d’ouvrir la bouche pour enfin attirer son attention.

« Quel dommage que tu ne veuilles pas jouer avec moi ! Ah et au fait, tu n’aurais pas perdu quelque chose ? »

Mon sourire s’arque sur mes joues alors que je laisse le collier glisser entre mes doigts pour le lui présenter. J’étais certain qu’il n’allait avoir aucun mal à voir de quoi est-ce qu’il s’agissait.

« Tu veux le récupérer ? Viens le chercher ! »

Joueur, je laissais un peu plus la chaine glisser le long de mes doigts, faisant mine de le lâcher, lâchant un « oups » horriblement agaçant, juste pour le motiver un peu plus avant de ranger le médaillon à l’intérieur de la poche de ma veste. Si avec ça il n’avait pas envie de me poursuivre, je ne répondais plus de rien. Que la partie commence !

En un éclair, je disparaissais de mon perchoir pour sauter entre les arbres de ce bois semblant de plus en plus dense à chacun de mes pas. Je prenais un peu de vitesse en atterrissant au sol, laissant ma trace un peu partout, puis j’escaladais à nouveau l’écorce à ma portée, histoire de toujours garder un oeil sur mon protégé et ses progrès. Il allait enfin un peu se lâcher, faire sortir le démon qui brûlait à l’intérieur de son corps, apprendre ce que ce que c’était que d’être un animal, un vrai, au sommet de la chaine alimentaire. Rien ne pourrait plus l’arrêter lorsqu’il en aurait réellement prit conscience. Il allait être en colère par ma faute, pour lui avoir volé son bien mais cela faisait partie du jeu. Je voulais qu’il se lâche, qu’il se laisse aller et qu’il expulse tout ce mal qui le rongeait et que j’avais déjà pu lire dans ses yeux. Sa colère était prête à exploser, à tout ravager sur son passage. Autant qu’elle explose contre moi plutôt que sur un pauvre être humain qui n’avait rien à demander à personne. Aller Neven, laisse toi aller, fais moi ce plaisir, pour une fois.

Sa voix perce l’épaisseur de l’obscurité. Mes yeux le repèrent aussitôt en haut d’un arbre. Je lève les yeux au ciel alors que mes épaules s’affaissent, dépitées. Mais qu’est-ce qu’il fiche là-haut ? Sa remarque ne parvient pas à stimuler ma morosité, jusqu’à ce que les rayons pâles de la lune ne viennent se refléter sur le métal particulier du bijou qu’il dévoile entre ses mains. Je me fige de haut en bas. C’est … à moi ! Je reste estomaqué en reconnaissant le médaillon. Mes doigts filent le long de ma clavicule, mais non. Il n’est plus là. Azenor m’a volé mon collier. La surprise se fait rapidement piétiner par une colère aveugle. Ce médaillon, c’est ma sœur qui me l’a offert il y a de ça quelques années. Je ne suis pas matérialiste, mais il y a bien une chose que j’ai pensé à emmener avec moi lorsque j’ai quitté Lake Charles ; ce truc-là, dont la valeur sentimentale dépasse mille fois plus la valeur pécuniaire.

- Hey !

Mais il a déjà disparu. Son rire traîne dans les airs alors que mon regard fou fouille l’endroit où il s’est évaporé. Mes muscles se tendent instinctivement. Et je m’élance à travers les fourrés.

Le vent fouette mon visage avant que je ne me rende compte de la vitesse de mes jambes. Je m’arrête subitement, le souffle court. C’était … rapide, bordel ! Un sentiment grisant me remonte le long du dos. Mais la rage hargneuse gronde toujours dans mon ventre. Je repars à la poursuite d’Az. J’aperçois sa silhouette furtive à travers les branchages. Je serre les dents en essayant furieusement de le rattraper.

- Rends-moi ça !

La fluidité de ses mouvements me manque et m’empêche de grapiller la distance qui nous sépare. Le vampire se volatilise à nouveau hors de mon champ de vision. La stupéfaction jaillit dans mon esprit. Putain mais comment il fait ça ? La confusion perturbe mes réflexes. Une branche sournoise me cingle ses feuilles en travers du visage. La vitesse décuple la douleur, qui me fait fermer les yeux. Je vois trop tard l’énorme tronc d’arbre arriver. Mes pieds tentent de freiner. Mais il est déjà trop tard lorsque mes bras se lèvent devant moi.

Le choc me coupe le souffle, alors que le bois pourtant solide du chêne massif émet un craquement de protestation. Mes mâchoires claquent. Une odeur de sang explose dans ma bouche, en même temps qu’un sévère picotement au bout de ma langue. Le sol m’accueille sans la moindre tendresse, dans un nuage de feuilles et de terre molle. Des étincelles imaginaires dansent devant mes yeux. Je lutte contre les vapeurs troubles qui m’assaillent. Merde, comment c’est possible d’être encore vivant après un heurt pareil ? J’ai l’impression que l’écorce s’est imprimée comme un tampon contre ma tempe. Et le pire dans tout ça, c’est que je n’ai strictement rien de cassé.

Et toujours pas mon collier.

Je ne peux m’empêcher de rire en entendant les vociférations de mon chat sauvage à mon encontre. Pour le coup, il est vraiment furieux, il doit beaucoup tenir à au collier que je lui ai pris, sinon il ne se donnerait pas autant de peine. Je le laisse me rattraper, pour mieux disparaitre ensuite de son champ de vision en prenant de la hauteur. Mes yeux le suivent, l’observe se mouvoir entre les arbres et leurs branches. Il commence à prendre en vitesse, à éviter les branches et fourrés piquants qui pourraient ralentir sa route. Un sourire satisfait éclaire mon visage caché dans l’ombre tandis que je me fais aussi discret que possible, m’accrochant avec aisance aux prises qui se présentes à moi. Et puis, c’est la débandade. Je ne manque pas une miette du crash qui se passe sous mes yeux, retenant mon souffle en grimaçant à la vue de mon petit vampire essayant vainement de ralentir sa course. Trop tard. Un pauvre chêne sans doute tout aussi vieux que moi arrête brusquement sa route sous un craquement sonore.

J’essaie de retenir mon rire en voyant mon protégé tomber lourdement au sol, mais c’est impossible, c’est bien trop drôle, je n’arrive pas à me contrôler. Mon ricanement explose dans ma bouche, me faisant relâcher mes prises sans le vouloir pour me plier en deux. Je n’arrive pas à me ravoir, me laissant tomber en arrière sans arriver à me rattraper à temps à l’arbre qui me soutenait. Mon dos heurte durement le sol, m’accueillant dans un tapis d’herbe grasse alors que j’ai les larmes aux yeux à force de rire. Oh bordel, c’était tellement beau à voir. Et ça fait tellement longtemps que je n’ai pas autant ris. Mon souffle se bloque dans ma gorge, j’en ai du mal à respirer en tentant de me reprendre. Je me tourne pour tenter de me remettre sur mes pieds, m’asseyant dans l’herbe en essuyant mon visage d’un revers de main, gardant mon grand sourire sur mes joues.

« Ca va ? Tu ne t’es pas fait mal ? Tu aurais vu ta tête ! Impayable ! »

J’ai crié mes mots assez fort pour qu’il les entende. Enfin, mes soubresauts se calment alors que je me rends enfin compte de ma faiblesse. Ainsi assis dans l’herbe, je suis exposé, il pourrait me sauter dessus à tout moment et je ne doute pas une seule seconde que c’est ce qu’il ne va pas tarder à faire. Tant pis. Tant mieux. Je m’en fou. J’ai eu ce que je voulais et même bien plus. La seule vue de sa tête heurtant le bois à fait ma nuit, agitant encore un peu mon rire dans ma gorge. Mes yeux le cherchent dans la pénombre, me tenant prêt à le repousser au cas où il décide de reprendre son bien par la force. Il l’aura bien mérité après tout. Je me relève enfin, sur mes gardes, mes mains prêtent à l’intercepter à tout moment si jamais il lui prenait l’envie de me bondir dessus. Est-ce qu’il a au moins réussi à se relever ? Le choc lui aura au moins appris la résistance physique d’un vampire, même si ce n’était pas vraiment ce que j’avais prévu à la base.

Son rire éclate dans l’intimité de la nuit. Un étrange boucan s’ensuit, dans un mélange de feuilles froissées et de branches brisées. J’aperçois plus ou moins une forme floue tomber comme une pierre du haut d’un arbre. L’hilarité humiliante d’Az repart presque aussitôt après, m’indiquant qu’il est toujours en vie, et que malheureusement, moi aussi.

Ma main glisse contre mon visage alors que je roule douloureusement sur le flanc pour me relever. Je chasse furieusement les brindilles coincées dans mes cheveux et égarées dans mes vêtements. Cet enfoiré n’a visiblement rien loupé du spectacle. Je me redresse sur mes pieds, avisant d’un œil mauvais le tronc d’arbre que j’ai percuté de plein fouet. Un léger renfoncement s’est creusé dans le bois centenaire. L’odeur de sang contre mon palais a déjà disparu, mais je ne peux pas m’empêcher de passer ma langue contre mes dents par sécurité. Heureusement, aucune ne manque à l’appel.

La voix d’Azenor m’appelle. Je fulmine, encore marqué par le sentiment d’humiliation qui me brûle les tempes.

- Ouais, une vraie promenade de santé, grommelé-je tout bas pour moi-même.

Je rassemble mes idées pour de bon avant de m’avancer à nouveau à travers la forêt. Mes pas se font silencieux alors que je me dirige, décidé, vers la provenance de sa voix. Mon cœur crie vengeance lorsque j’avise sa silhouette à travers un petit bosquet.

Az me cherche. Ses yeux caressent les alentours, attentif au moindre mouvement anormal. Par instinct, mon souffle se bloque au fond de ma poitrine. Avec tout ce vacarme, la faune alentours a totalement disparu. Même les insectes se sont totalement tus. Le silence règne, angoissant et excitant. Je m’approche encore, sans jamais détourner mon attention de lui. Il ne m’a pas encore débusqué, alors j’ai toutes mes chances.

Lorsque quelque chose au fond de moi me murmure que le moment est venu, mon corps réagit avant mon esprit. Je bondis à découvert et m’élance aussi vite que possible vers le vampire. Mes bras s’ouvrent alors que je lui fonds dessus. Je me jette sur lui. Son corps percute brutalement le mien. Nous retournons nous plaquer au sol sous la force de mon geste. Je me retrouve le nez perdu dans les cheveux fous d’Az tandis qu’une sensation grisante explose pour de bon dans mon ventre. Mon sang pulse avec délice sous ma peau. Je me redresse précipitamment avant qu’il n’ait le temps de m’éjecter de là. Mes mains fusent et palpent son buste jusqu’à dégoter la chaîne dans les poches de sa veste. Enfin ! Mon regard se plante au même instant dans le sien.

- Un partout.

Un sourire narquois illumine mon faciès. L’instant d’après, je le repousse sournoisement pour retarder le moment où il va se relever. Je suis déjà sur pied, dévoré par une euphorie échauffée. Je m’esclaffe sans pouvoir m’en empêcher avant de détaler sans plus attendre. Az ne va certainement pas vouloir en rester là. Et je préfère ne pas être présent à ce moment-là.

J’ai à peine le temps de le voir bondir sur moi que je me retrouve brusquement au sol à nouveau. Mon rire reprend de plus belle, irrésistible alors que mes mains tentent de le repousser sans succès. La force qu’il exerce est suffisante pour me maintenir au sol et je le laisse faire, n’ayant même pas le coeur de le repousser. Je le laisse fouiller prestement mes poches en l’observant, n’arrivant pas à me défaire de mon sourire amusé. Enfin, j’ai eu ce que je voulais ! Je peux voir tout l’effet de l’adrénaline dans son regard illuminé d’un nouveau reflet, sentir chaque fibre de son corps pulser d’une toute nouvelle excitation. L’instinct bestial en lui s’enflamme et il adore ça, au moins autant que le petit jeu que j’ai initié. Son rire résonne dans les airs, son sourire heurte mon coeur battant d’excitation dans ma poitrine, juste avant qu’il ne prenne ses jambes à son coup. Je me relève en douceur, prenant mon temps histoire de lui laisser un peu d’avance. Ce ne serait pas drôle si je le rattrapais en à peine quelques secondes.

« Tu ne perds rien pour attendre ! »

Aussitôt mes mots éclatant dans le silence de la forêt, mes jambes prennent leur impulsion alors que je bondis à sa suite. Je le rattrape avec facilité, ne lâchant pas son dos du regard une seule seconde en accélérant doucement ma course. Toujours plus près, humant son odeur me faisant presque rugir de plaisir jusqu’à ce que mes pieds remplacent ses tracent au sol, que j’arrive finalement à sa hauteur. Mon sourire s’éclaire, joueur, alors mes yeux cherchent les siens, puis en un coup, je bondis sur lui, toutes griffes dehors, heurtant violemment son corps du mien. Nous roulons dans l’herbe, faisant voler les feuilles, la terre et les brindilles qui recouvrent le sol se faisant dur sous nos poids. Lorsqu’enfin, notre roulade s’arrête, nous laissant le souffle court, je prends l’avantage, le surplombe de tout mon corps, ne pouvant m’empêcher de m’esclaffer à nouveau. Mes jambes s’emmêlent aux siennes, l’empêchant de bouge alors que nos regards se confondent, nos souffles s’emmêlent, nos torses s’agitent, se pressent en harmonie avec nos respirations agitées, preuve de notre course intensive.

« Deux pour moi, petit vampire. »

Mon regard le couve, lui et ses brindilles coincées dans ses cheveux ébouriffés et son regard chargé de cette étincelle tellement excitante s’enchevêtrant à la mienne. Un frisson délicieux remonte le long de mon échine, hirissant les poils sur ma nuque.

« Alors, pas si mal la chasse finalement hein ? »

Mon nez se glisse contre le sien, le chatouille quelques secondes alors que mon front rencontre son jumeau, le temps de calmer définitivement mon rire en fermant les yeux. Mes lèvres se faufilent jusqu’aux siennes, furtives, puis de plus en plus appuyées, faisant bondir l’excitation prisonnière de mon ventre, s’emmêlant à l’ardente bestialité de mon instinct cette fois bien éveillé. Mes doigts s’aventurent sur son corps, s’empressent de prendre possession de la peau glacée de son ventre en remontant rapidement sur son torse sans la moindre douceur. Le tissu craque sous la pression de mes doigts tentant de le lui arracher. J’ai une revanche à prendre sur cette tentation délicieuse qu’il s’est permit de m’infliger au réveil. Hors de question que je le laisse s’en sortir si facilement. Ma bouche se glisse sur sa jumelle juste le temps de reprendre un peu d’air, avide de sa langue, mordillant sa lippe avant de définitivement la quitter, le surplombant à nouveau. Le gonflement soudain de son membre contre le mien me suffit, ma langue s’aventure avec envie sur ma lèvre, faisant apparaitre un sourire carnassier emplit de toute la fougue qu’il m’inspire. Puis, ma prise sur lui se desserre et enfin, je disparais à nouveau dans la noirceur de la nuit.

La vitesse me galvanise. Je prends peu à peu conscience de la force phénoménale qui coule désormais dans mes veines. Le fauve assoiffé de sang qui sommeille dans mon estomac rugie de bonheur. Cette sensation gagne doucement chaque fibre de mon être. L’excitation de la course poursuite chasse définitivement ma colère déjà oubliée pour une explosion d’allégresse. Az est sur mes traces. Je le sens avant de le voir. Sa présence silencieuse, sa puissance animale, sa dangerosité acérée agitent et grisent le moindre recoin de mes instincts.

Sa silhouette se dessine furtivement sur le côté. Une fraction de seconde avant que l’éclat espiègle de ses yeux ne m’alerte. Une fraction de seconde avant que son poids ne vienne rencontrer le mien avec férocité. Le choc chasse à nouveau l’air de mes poumons. Je n’ai que le temps de lâcher un éclat de rire désespéré avant que l’étreinte sévère et coriace du sol ne nous enserre. Je m’agrippe à lui au moins autant qu’il s’agrippe à moi, tandis que nous dévalons un talus parsemé de pierre et de bois morts.

Lorsque le monde se stabilise enfin, et lorsque le corps d’Az me maintient stratégiquement contre terre, le tapis de feuilles a laissé place à l’herbe tendre et humide d’une petite clairière éclairée par le regard de l’astre lunaire. Le bleu argenté des iris du vampire s’ancrent profondément en moi. Je ne cherche même pas à m’en défaire, ni même à le repousser. L’ivresse brûle ma poitrine essoufflée. Un sourire amusé filtre sur mes joues entre deux respirations agitées.

- Je suis sûr que tu as triché.

Il ne répond pas à ma pique, et le regard qu’il me renvoie alors me fait frémir malgré moi. Un soupir d’aise meurt au fond de moi lorsque sa bouche vient se loger contre la mienne. Une chaleur nouvelle naît et s’étend au creux de mon torse. Mes paupières se ferment d’elles-mêmes alors que je me laisse gagner par ce délicieux courant électrisé que ses doigts répandent sous mon ventre. Mes lèvres répondent aux siennes avec ferveur. Sa promiscuité étourdit mes sens. Je me sens devenir dur en quelques instants sous l’influence de son contact entreprenant.

Mes lèvres me picotent lorsqu’il les relâche. Mon souffle cherche le sien. Le mécontentement de ne plus le sentir aussi près m’enserre le bas-ventre. Je rouvre les yeux, perplexe. Az me surplombe. La façon qu’il a de me regarder m’embrase tout entier. Juste avant qu’un vent vif et chargé de son odeur entêtante n’éteigne la flamme grandissante dans mon ventre.

Il s’est barré.

Je me retrouve seul comme un con. Seul comme un con, avec une envie libidineuse qui me tort les reins. Je me redresse vivement sur un coude. Mon attention court sur la clairière et les abords de la forêt. Cet enfoiré a encore disparu ! Ma tête repart en arrière et mes yeux froncés s’offrent à la nuit. Je soupire bruyamment, ahuri et frustré.

D’un coup, je me relève prestement, peu décidé à me laisser berner comme il l’entend. J’ignore royalement l’herbe emmêlée dans mes cheveux et les quelques traces de terre dérangeant mes joues. En revanche, je prends le temps de glisser mon collier dans mon jeans. Puis je retire mon blouson ainsi que mon tshirt négligemment déchiré pour les balancer fermement par terre. Une certaine irritation vient provoquer la tension qui règne déjà sous ma peau. Az n’a pas intérêt à me laisser comme ça.

Le froid glisse sur mes épaules comme un manteau frais et agréable. Je me faufile jusqu’aux arbres en ignorant la basse température qui aurait dû glacer n’importe quel être humain. Mes baskets s’arrêtent rapidement. Je tends l’oreille, mais je n’entends rien. Ses pas ne résonnent pas dans la terre meuble du sol. La vie de la forêt reprend même son court, tout doucement, autour de moi. Le vampire n’est pas parti bien loin.

Passablement agacé d’être de nouveau contraint de me dépêtrer dans son sillage, je remonte patiemment la piste de son odeur, qu’il n’a visiblement pas pris la peine de dissimuler. Le ronronnement constant de la forêt me dérange, alors que j’évite un énième buisson épineux. Mais bientôt, je le retrouve. Le vampire qui s’amuse à m’allumer pour mieux me planter. Il m’apparaît au détour d’un énorme pin, nonchalamment appuyé contre un tronc d’arbre. Les bras croisés, à m’attendre visiblement. Je me stoppe et me tends, son regard percutant m’incitant à appréhender le prochain geste qui lui échappera.

Mon épiderme frémit avec délice. L’insatisfaction dans mon pantalon bouillonne de plus belle. Az a quelque chose de complètement saisissant, exposant ainsi son aura prédatrice à la lueur de la lune. Mes yeux se plissent imperceptiblement tandis que je lui rends son regard impénétrable. Mes muscles se tendent, prêts à me faire décamper. Un rictus railleur soulève le coin de mes lèvres.

- Et maintenant ?

Je ricane doucement entre mes lèvres tout en m’appuyant contre le tronc d’un arbre, non loin de la clairière où nous étions. J’écoute avec attention les bruits qui m’entourent, jusqu’à entendre les bruits de pas reconnaissable de mon chat sauvage sur la terre meuble qui m’entoure. Mes bras se croisent sur ma poitrine, attendant patiemment qu’il me trouve, n’essayant même plus de me cacher. Nous n’en sommes plus à ce stade à présent. Si j’ai réussi à l’exciter et le frustrer, il en est de même pour moi. Et je suis bien décidé à reprendre mon oeuvre dès qu’il m’aura enfin trouvé.

Il se rapproche, doucement mais sûrement, jusqu’à ce qu’enfin, sa silhouette apparaisse dans mon sillage. Mon regard s’accroche à lui, glisse sur son torse si bien sculpé à présent apparrant, puis se fixe sur la bosse déformant son pantalon avant de revenir à son visage. Et maintenant me demande t’il ? Maintenant, j’allais mettre fin à ce petit jeu de la manière la plus délicieuse qui soit. Ses muscles sont tendus, je le sens prêt à bouger dès que j’aurais fait le moindre mouvement. Sauf que, je suis bien plus rapide que lui. Et je compte bien la dessus pour obtenir ce que je veux.

En une fraction de seconde, je me jette sur lui à nouveau, l’entrainant dans mon mouvement jusqu’à le plaquer contre l’un des arbres qui nous entoure, lui rendant enfin le sourire qu’il m’adressait juste avant.

« Maintenant... Je crois que tu as mérité une petite récompense pour tes progrès, petit vampire... »

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Un sourire provocant fend à nouveau mes lèvres lorsque mon dos heurte sans douceur un tronc massif. Ma tête part s’appuyer contre l’arbre alors que mes yeux se fondent avec délice dans ceux d’Azenor. Le désir animal qui y brûle me fait presque ronronner de contentement. Son souffle glacé meurt contre mon visage, ses mots m’électrisent.

- Ouais, je trouve aussi …

Mon murmure rauque n’a même pas le temps de l’atteindre. Az ignore totalement mon éventuel consentement pour greffer sa bouche contre la mienne. Ses hanches se calquent contre moi. La bosse dure perceptible à travers son pantalon vient se presser contre la mienne. Le ronronnement se transforme en grondement sourd au fond de mon estomac. Mes mains cherchent leur prise sur son corps. Mais il a déjà pris les devants. Le jeu de sa langue et le parcours de ses doigts sur mon être me laissent collé au bois dans mon dos, palpitant et brûlant.

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« Fini pour cette nuit. Que dirais-tu de rentrer et de se reposer un peu ? J’ai hâte de voir ce que tu vaux avec une manette dans les mains. »

Un sourire apparu sur mon visage, mes doigts glissant dans ses cheveux pour lui enlever quelques brindilles avant de venir caresser tendrement sa joue. Je me glissais sur le dos pour mieux me rhabiller, me relevant sur mes pieds une fois chose faite. Ma main s’aventura dans ma poche à la recherche de mon paquet de cigarettes telle une vieille habitude, grillant une des tiges en ne le lâchant pas du regard. J’attendais qu’il m’imite pour le lui offrir avec un petit sourire, comme une nouvelle habitude, puis m’en rallumait une aussi vite.

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- Ça me va. Mais tu as conscience que tu vas perdre … ? J’ai ça dans le sang. Je suis né avec une manette entre les mains. Alors que toi …

Un sourire malicieux s’invite sur mes lèvres, ravies de trouver de quoi le taquiner, même sur son âge. Azenor se relève, et mes yeux traînent sur ses fesses. Le déclic caractéristique d’un briquet perce la mélodie feutrée de la forêt. Je retrouve plus de sérieux lorsqu’il se tourne de nouveau vers moi pour m’offrir sa cigarette. Le bleu de ses prunelles me scrute, de cette même lueur fantasmagorique que lui octroi la lune. Je redresse et m’assoie par terre. Je louche un instant sur le bout incandescent avant d’attraper le petit bâton blanc. Une première goulée d’air nocive remplie mes poumons. Je coince la cigarette entre mes lèvres pour me relever. Une fois sur pied, je soupire toute ma fumée et plisse les yeux pour mieux le regarder.

- Tu sais quoi ? C’est peut-être bien la première fois que je m’envoie trois fois en l’air avec le même gars en si peu de temps. Félicitations.

Un début de sourire torve réhausse le coin de ma bouche. En y réfléchissant, c’est aussi la première fois que je cours après quelqu’un au beau milieu d’une forêt. Que je me nourris de sang. Et que j’accepte l’idée d’une colocation totalement improvisée. Je tire une nouvelle fois sur ma clope, me demandant plus ou moins si cette seconde dose de nicotine me rendra tout aussi bavard. Finalement je lève le bras pour désigner du pouce la clairière quelque part dans mon dos.

- Le reste de mes fringues est resté là-bas.

Je suppose que nous n’avons pas d’autre choix que de nous y rendre en marchant, le temps de nous griller les bronches à coup de tabac. Je ne tarde pas à retrouver mes affaires au pied d’un arbre. Mon t-shirt en lambeaux se rappelle à mes bons souvenirs lorsque mes doigts se referment sur le tissu. J’ai un geste faussement exaspéré envers Az. En réalité j’envisage déjà de lui piquer ses vêtements sans lui demander son avis pour remplacer les miens, détruits par ses ardeurs irrépressibles et animales. J’enfile mon blouson et remonte simplement la fermeture jusqu’en haut, avant de balancer négligemment la relique du t-shirt sur mon épaule.

- Et maintenant, si tu m’en disais un peu plus sur cette putain de caisse qui nous attend là-bas ? lâché-je en m’étirant paresseusement, sans pouvoir m’empêcher de remettre ça sur le tapis.

Ma proposition fait mouche. Je lui rends son sourire, amusé par sa remarque. Je commence à avoir l’habitude de ses railleries et je dois bien avoué qu’elles commencent à me plaire. J’attends patiemment qu’il se relève sous mes yeux, tirant sur ma clope en laissant la fumée encrasser mes poumons tout en l’écoutant. Sa remarque me laisse quelque peu coi, étirant mon sourire sur mes lèvres. J’étais donc un privilégié d’après ses dires. Je ne savais pas pourquoi une telle révélation me faisait à ce point plaisir mais, j’en était heureux. Etre unique, à ses yeux, avait quelque chose de réconfortant, même si je ne pouvais pas dire la même chose à son propos. Quoi que, cela faisait bien longtemps que je n’avais pas moi aussi eu une relation comme celle-ci. Coucher avec le même gars sans aller voir ailleurs n’était pas dans mes habitudes. L’exclusivité, ce genre de chose était totalement inconnue pour moi mais avec lui... C’était juste, différent.

Je gardais le silence lorsqu’il m’indiqua où est-ce qu’il avait laissé l’autre partie de ses vêtements, le suivant docilement jusqu’à la clairière tout en tirant sur ma tige. La forêt commençait doucement à reprendre vie autour de nous à présent que nous étions plus calme. J’écoutais le hululement d’une chouette au loin, les buissons s’agitant au passage d’un animal, le bruit caractéristique de l’eau s’écoulant paisiblement d’un ruisseau. J’aimais cette atmosphère si particulière propre à la forêt et j’aimais encore plus l’éclat de la lune bien visible nous éclairant de sa lueur en cette superbe nuit. J’avais bien choisi le moment pour l’emmener ici.

Ce fut le geste faussement exaspéré de mon chat sauvage à propos de son t-shirt qui me tira de mes rêveries sur la lune, m’extirpant un rire léger et faussement coupable. Je l’observais enfiler sa veste pour abandonner son haut en lambeau sur son épaule, puis emboita ses pas en direction de ma voiture. Evidemment, sa curiosité caractéristique revient presque automatiquement sur le tapis. A croire qu’il ne pouvait pas s’en empêcher. Sauf que cette fois, j’étais tout à fait disposé à répondre à ses questions. Au moins concernant ma voiture. Après avoir lâché un nouveau sourire, expulsant la fumée cancérigène de mes poumons, mon regard plana sur son corps s’étirant tel le chat sauvage qu’il était dans mes pensées.

« Ca t’intrigue à ce point ? Et bien.... D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été un féru des jeux d’argent. Ca remonte à ma vie mortelle. A l’époque déjà, lorsque je n’étais pas plongé dans mes livres, je jouais avec mes compagnons. Nous passions des soirées entières à jouer aux cartes jusqu’au petit matin, entouré de l’effervescence propre à l’époque de la Renaissance. J’ai toujours été doué pour ça. Vraiment doué. J’ai détroussé de leur fortune nombre de mes amis, au point que certains ont fini par me détester. Ca remonte à tellement loin maintenant. »

Mon regard au sol, le sourire aux lèvres, je me remémorais ses moments avec nostalgie, tirant une énième fois sur ma cigarette avant de relever légèrement la tête, laissant mes pas nous conduire à travers la forêt.

« Je n’ai pas joué pendant des siècles lorsque je suis devenu vampire. Et puis j’ai fini par m’y replonger lorsque j’eu besoin d’argent. Les règles n’avaient pas changées avec les époques, j’avais toutes mes chances. Je suis parti à la recherche des meilleures paris, des meilleures tables aux meilleurs endroits. Il m’a fallu le temps d’une soirée pour me refaire. Je suis redevenu aussi riche que je l’avais été en un claquement de doigts. Très riche. Je me suis fait plaisir sous tout rapport. Résidences, voitures, vêtements et j’en passe. Je dépensais sans compter jusqu’à organiser les plus belles soirées de l’époque. J’étais devenu une espèce de Gatsby le Magnifique. Soirées grandioses, alcool, luxe, filles et garçons... La totale. J’ai donné énormément à toutes les oeuvres caritatives du monde et même après, j’avais encore du fric à ne savoir quoi en faire. Alors j’y suis retourné, cette fois pour jouer ma fortune. »

J’observais le sol en racontant mon histoire, me rappelant de cette époque grandiose de mon existence. Cette époque où je me cachais derrière l’argent pour fuir ma solitude qui me pesait atrocement depuis que j’avais arrêté mon oeuvre sur les champs de bataille. Tout ce cirque n’avait été que luxe et paillettes, juste pour mon plaisir et je m’en était royalement mordu les doigts.

« J’ai pris de plus en plus de risques. Je suis réellement devenu accro, incapable de m’arrêter. Et je n’avais personne d’assez important pour moi dans ma vie pour le faire alors... J’ai fini par abuser. Tout comme j’étais devenu extrêmement riche en l’espace d’une soirée, j’ai tout perdu de la même manière. J’étais tellement sûr de moi que je ne m’imaginais pas une seconde pouvoir perdre et c’est justement là qu’à été ma plus grosse erreur. Une mauvaise main, un ego surdimensionné et pouf, plus rien ! J’étais ruiné. Tout s’est volatilisé. Tout sauf... Ma voiture. C’est la seule chose qu’il me reste de cette époque. La seule chose que j’ai voulu garder. Je me suis battu pour ça. Je suis devenu pauvre et j’ai dormi dedans pendant des mois. Je peux te dire que dormir dans une Ferrari n’a vraiment rien de confortable ! »

Je lâchais un rire amusé en finissant ma cigarette, cherchant son regard pour y implanter le mien. J’avais tellement parlé que nous étions presque arrivé à destination. Je voyais d’ici les reflets de la carrosserie qui nous attendait sagement à quelques mètres à peine.

« Tout perdre m’a permit de reprendre pieds avec la réalité. Je me suis trouvé un petit boulot et je me suis juré de ne jamais retourner à une table de jeu. D’où le fait que j’habite dans un petit appartement. Cette vie là me convient plus. Elle me rend, un peu plus humain. »

Mes mots se finirent aux portes de la dite voiture. Je la déverrouillais pour ouvrir la portière côté passager, m’appuyant dessus le temps d’inviter mon petit vampire à prendre place à l’intérieur.

« Voilà, tu sais tout. J’espère que ta curiosité est satisfaite. » dis-je en gardant mon sourire aux lèvres.

Je mentirais en affirmant que je m’étais attendu à ce qu’il réponde aussi facilement à mon interrogation. Une surprise inattendue et agréable me pique la poitrine lorsque je comprends qu’il a décidé de remonter jusqu’aux origines de l’histoire de sa voiture. Ma langue se fait sage et muette, seulement charriée par les mouvements réguliers de ma cigarette jusqu’à mes lèvres. La voix d’Az perce à peine l’atmosphère particulière de la forêt, mais je n’en perds pas une miette. A nouveau, j’éprouve cette curiosité maladive quant à sa longue vie. Le fait qu’il ait vécu aussi longtemps a quelque chose de complètement insensé et de totalement fascinant. Mes pas suivent les siens tandis que je l’écoute, sans chercher à l’interrompre. Le goût du jeu, l’appétence du risque et de l’argent, la déchéance inéluctable. Je tire sur ma clope en laissant mes yeux courir sur les buissons de fougères. On dirait un bon vieux film doté d’une fin prévisible. A ça près que la sienne s’étend sur plusieurs siècles.

Je lui lance un coup d’œil amusé lorsqu’il évoque ses longues nuits d’inconfort sur la banquette arrière de sa voiture. Tu m’étonnes … Az rit et me rend mon regard. C’est étrange de le voir évoquer ce passé avec autant de détachement, comme si tout ça était déjà très loin. Trop loin. Je sourcille. Le semblant de sourire nostalgique qui courbe ses lèvres tranche trop cruellement avec certains aspects de son histoire. Comment peut-il avouer, avec cet air-là, que personne à cette époque n’était assez important dans sa vie pour l’empêcher de claquer tout son fric ? La cigarette s’éteint entre mes doigts à l’instant où je remarque que j’aurais tout aussi bien pu balancer ces mêmes paroles à l’identique. Personne n’a compté suffisamment pour me pousser à reprendre ma putain de vie en main. Personne n’a compté suffisamment pour m’empêcher de m’enfuir en Nouvelle-Orléans. Mes yeux scrutent le vampire alors qu’il enchaîne finalement sur ses derniers mots de conclusion. La différence, entre lui et moi, c’est cette colère dévorante et perpétuelle qui brûle dans mes tripes.

Azenor rejoint la voiture de luxe garée au milieu du chemin battu. Je m’arrête un instant pour le regarder faire. Il s’appuie contre la portière tandis que ses derniers propos s’envolent dans les airs. Je hausse les épaules avant de laisser apparaître un semblant de sourire ironique, refusant franchement de prendre cette histoire avec un sérieux trop dramatique.

- Eh ben, je me demandais justement comment un vampire de cinq cents ans pouvait vivre aussi modestement et s’emmerder à gagner sa vie. La logique aurait voulu que tu accumules pas mal de fric pendant toutes ces années. Mais je comprends mieux, t’as tout cramé.

Je pince les lèvres, une petite moue navrée sur le visage. C’est probablement le meilleur geste de compassion dont je suis capable. Mais Az peut effectivement se rassurer, ma curiosité est temporairement rassasiée. Jusqu’à ce moment où les questions brûleront à nouveau mes lèvres.

Mon attention retombe sur la voiture alors que je gravis les dernières distances qui me séparent du vampire. La vision d’un tel bolide planté un beau milieu d’un chemin forestier est totalement surréaliste. Un bref instant, je me demande pourquoi il a choisi ce bien-là. Pourquoi celui-là, parmi tout ce qu’il possédait. Et puis, la seconde d’après, une idée folle me traverse l'esprit. Mes iris retrouvent les siennes alors que je reste résolument figé devant lui, sans retrouver le siège passager sur lequel il m’invite pourtant à prendre place.

- Tu me laisses la conduire ?

Je soutiens franchement son regard, une étincelle déterminée au fond des yeux. Je n’ai jamais approché d’aussi près une bagnole aussi magnifique. Essayer d’ignorer ça sur le trajet de l’aller avait déjà été particulièrement difficile. Maintenant j’en crève vraiment d’envie.

- Après tout, t’as quand même déchiré mon t-shirt préféré.

Et pour appuyer mes dires, je récupère le tissu calé contre mon épaule pour le lui envoyer entre les bras. Un sourire malicieux reprend possession de mes joues. Peu importe si c’est une moitié de mensonge. Ni lui ni moi ne croyons une seule seconde à cette excuse bidon de toute façon. Mais tant qu’elle obtient l’effet escompté …

" Et bien maintenant, tu sais !"

J'attendais toujours patiemment qu'il se glisse dans l'habitacle pour refermer la portière sur lui mais Neven avait visiblement d'autres aspirations en tête. Conduire ma voiture ? Un sourcil se leva sur mon front alors que je réalisais ce qu'il me demandait, étirant mon sourire avec sa remarque sur son soit disant t-shirt préféré que j'attrapais du vol. Joueur, je le glissa à mon tour sur mon épaule, m'appuyant une nouvelle fois contre la portière.

" Conduire ce petit bolide se mérite Nev. Et tu as déjà été récompensé pour tes efforts de cette nuit alors...."

J'affichais une moue faussement désolée en lâchant ma prise, pianotant sur la carosserie à l'aide de mes doigts tout en rejoignant le côté conducteur pour m'y installer.

" La prochaine fois peut-être. Si tu es sage. "

Je ricanais pour moi même de mes taquineries à son encontre tout en glissant la clé dans la serrure pour faire gronder mon bolide. Je lui adressais un regard, curieux de voir si il allait finalement se donner la peine de s'asseoir ou si il préférait rester là. Je ne doutais pas une seconde qu'il allait encore tenter de me convaincre de prendre le volant. Et ça m'amusait, follement !